Dans un monde sans bulle

Par Jean Christophe Chevreau E3 moniteur NITROX et PLONGEUR RECYCLEUR

 

Après moultes interrogations sur « plonger différent », je me lance dans l’achat coup de tête d’un recycleur semi-fermé DOLPHIN DRAEGER. Me voilà donc avec la machine à la recherche d’une session de formation. Après deux ou trois échanges avec Jacques, MF2 moniteur recycleur sur Annecy, le rendez-vous est pris les deux dernières semaines de novembre au Club Subaquatique du Léman (CSL) à Thonon. Nous serons trois élèves: Christophe, E3 et Président du CSL, Stéphane (N3) adhérent au CSL et ingénieur en mécanique des fluides et moi.

Premier week-end : L’initiation

Nous y sommes ! Christophe nous accueille chaleureusement et s’empresse de lancer les gonflages. Ça pulse d’entrée! Stéphane démarre la cafetière. Avec Jacques, nous déchargeons les caisses de matos, tout le monde s’active. Ni une ni deux, on attaque le montage des machines, c’est germanique, ça clipe et déclipe, impossible de monter l’appareil en se trompant, tout est détrompé. S’ensuit le remplissage des scrubbers (1), le test d’étanchéité, la découverte de l’oxygauge ou analyseur de PP02 – ça aussi c’est teuton – mais bon ça craint l’humidité ; un peu gênant pour aller sous l’eau…

Dernier briefing, lestage, contrôle des pressions et hop on embarque. Ah zut ! J’ai oublié mon baudrier, et de fermer la bouteille ! Et oui sur un recycleur, ça se ferme la bouteille ! C’est du débit massique (2) on t’a dit . Il en fallait un, c’est moi! Je me contenterai d’une mise à l’eau bascule avant en vrac, capeler non arrimé, avec le secours en bouche, les palmes a la main et le masque aux chevilles. Bref je me vautre dans le Léman avec un panzer dans le dos et impossible de faire la moindre coulée expiratoire! Et oui, il faut compenser le volume des faux poumons!!!! Après un petit clin d’œil de Jacques, je remonte sur le bateau et laisse mes camarades en ordre de marche faire leur première immersion dans 6 m d’eau. J’ai les boules, mais bon je ne referai pas deux fois les mêmes erreurs… ça sert aussi à cela une formation… Nous rentrons au port, déchargeons le matos et rentrons chacun dans nos pénates.

Dimanche matin, c’est reparti. Il faut que je rattrape le retard! Mais bon, je suis confiant, baudrier, bouteille pleine, ordi, masque, j’ai tout! Jo à la manœuvre, « personne n’a rien oublié ?? » Petite boutade de Jo… Le gaillard est athlétique, je souris…. Et hop on y va ! Bascule avant tout est en place, immersion, je suis en binôme avec Jacques, ça roule, euh… ça coule ! Aaaaah! Ce poumon ballast! ça ne sert à rien! il est où l’inflateur ? La purge !!!!! Allez, je fais tout à l’étanche et au masque… Oui je sais ! Je triche ! Mais un volume à la fois… Bref ! Après comment dire, un déplacement digne d’un hippocampe amputé, à savoir monter, descendre euh… descendre, non monter, je ne sais plus…. Aller on se concentre c’est bon….ça rentre, petit lâcher d’embout avec passage sur le bail out (bouteille de secours en circuit ouvert), trop simple… Retour au port et théorie.

Et pendant ce temps-là, Christophe et Stéphane, à part une distension de joues du style chipmunk – hamster en anglais – due à une buse à gros débit, ont géré comme des pros.
 

Théorie rapide, calcul du best mix, de la bonne buse et hop a la soupe ! On repart pour 14H.

Re contrôle étanchéité, et oui on a changé de buse, non pas moi la BUSE, je suis resté, on a juste changé le débit massique dans l’ADV (3)… Et ce JC toujours à la bourre…
A l’eau, petit test d’assistance sur bail out, petit décollage peaufinage de l’équilibre dans une eau d’une clarté limpide et poissonneuse à souhait, lotte, écrevisse, perche !!!! Non non pas aux Maldives, ni en Egypte, mais à Thonon les Bains !!!!!! Quand tu respires de l’air chaud, c’est simple t’as chaud! Vive le circuit semi-fermé et stop au gâchis d’O2! C’est écologique de plonger au recycleur! Oui Monsieur, on retraite tout ! Du coup on rejette peu….. CQFD.
Mince, le premier week-end est déjà fini. On nettoie les sacs à bave, le tuyau annelé, y’a du monde la dedans ! Mais Jacques a le produit qui va bien, non ce n’est pas du Monsieur Propre. Ah bon ? Pourtant à part la boucle d’oreille… Pour les non-initiés, disons que Jacques tient plus de la piste d’atterrissage à mouches que de la chevelure du grand Tétras des Alpes…

 

Second week-end: La maîtrise

Une semaine c’est court, on est déjà au deuxième week-end, Stéphane manque à l’appel, il fera la deuxième plus tard. On se retrouve Christophe, Jacques et moi-même. En guise de pilote, c’est un autre Stéphane, tout droit sorti du froid polaire de Thonon, avec une magnifique chapka rouge canadienne en guise de couvre-chef ! On sait qui est le capitaine du bateau au moins !
Quelques membres du CSL profitent de la sécu surface avec nous, ambiance sympathique et détendue, beaucoup de convivialité au sein de ce club, je suis vraiment bien entouré.

Hop, à l’eau ! On attaque les assistances avec boucle en bouche – du moins le décollage – une petite visite dans la zone des 40, ah oui on narcose aussi en recycleur: Après avoir confondu Jacques et Christophe, j’ai voulu épouser un groupe de lottes aux yeux bleues qui m’ont gentiment rendu à la raison dans la zone des 30, et oui je suis déjà en couple… Un peu d’ivresse ça me manquait… Nous refaisons surface, débrief, échange et à la soupe pour attaquer l’après-midi et une maîtrise plus impeccable des gestes d’assistance avec le panzer dorsal.

Passons sur la plongée d’après-midi où immersion et équilibre n’ont plus de secret pour nous et on se dit à demain.

Dimanche, The last day, c’est au milieu des irréductibles du CSL, on est quand même au mois de novembre et l’étanche n’est pas un incontournable… Bonne ambiance sur le bateau, ça rigole et pose des questions sur nos drôles de machines on sent les mordus de la plongée à l’air, ça ricane un peu mais toujours dans la bonne humeur …
 

Briefing de Jacques, et surprise ! Christophe et Jean-Christophe une assistance chacun et après, et bien vous vous débrouillez, autonomie complète. Jacques fera quant à lui équipe avec Stéphane, chapka rouge. Yesssss ! On touche le Graal du doigt et la motivation décuple.
Assez causé ! A l’eau quoi!

Zut! La boucle est restée ouverte pendant le saut droit (oui j’ai abandonné la roulade avant… question de fierté). Tant pis pour la boucle… une ou deux respirations en surface pas de glouglou au bubble check (5) à 5 m pas de glouglou !!!! Le panzer dolphin est top sécurisant. Et c’est parti pour la remontée que je réalise disons à la vitesse du mollusque, bref ça monte pas bien vite de 35 à 20m et après ça s’arrange pour bien se caler. Bref pas la plus belle remontée de ma vie… La plus belle c’était d’ailleurs au niveau 4 mais ça c’était avant… j’étais jeune, athlétique, fringant euh… Chéri ? T’écris quoi là ? C’était il n’y a pas si longtemps !!!!!!!! Merci ma chérie, fermons la parenthèse….
Christophe, parfait, un décollage nickel pour sortir de la zone dangereuse un ralentissement école de plongée pour venir fondre sur 8 m, le tout, sans les pieds, sans les mains, bref le truc même en circuit ouvert difficile de faire mieux ; et non Christophe je ne fais pas du lobbying, mais bon j’ai hâte de revenir faire un plouf du côté des failles.

Terminé les exos…. Autonomie, superbe ballade le binôme marche bien, les signes sont classiques, ni trop, ni trop peu, on rentre peu dans la déco, 10 de DTR (5) tout de même, bon d’accord y avait 2 yoyos mais au bout de 45 minutes de plongée et 80 bars de consommation d’un énorme bloc de 5L, je vous le dis on recycle…
Retour au local, petit apéro avec les gars du club; ça saucissonne, charcute à tout va. Entre les rires et les histoires de la dernière plongée, on passe un bon moment . Mais nous devons déjà nous éclipser pour le repas de midi car pour la dernière nous allons finir en beauté avec un noyage de boucle, comprenez, on va laisser rentrer de l’eau pendant une grosse voire très grosse poignée de secondes dans le recycleur, afin de simuler un arrachage accidentel d’embout avec impossibilité de secours sur circuit ouvert, dans le style « what if » on peut difficilement faire pire ! Bon sécurité oblige, on sera en fin de plonge et sur un fond de 6 à 8 m, il ne faut pas déconner non plus …….
14 h c’est l’heure ! Mise à l’eau ! C’est Jo qui fait la sécu pour la dernière, vraiment un mec cool ce Jo ! C’est parti ! Au fait on n’a pas pris la peine de regonfler nos 5L… pour quoi faire ? On a du temps… ça me rappelle les derniers « dis tu peux me mettre une petite pichenette d’air en plus dans mon 15L ? J’ai 200 mais on va faire une 40 alors tu vois 220 c’est mieux », rigolez pas on l’a tous fait ! Et bien là, que nenni! Pour notre dernière planification, 100 bars seront plus que largement suffisant.

Dernier saut droit, nickel, pas une éclaboussure, ouverture bouteille, embout en bouche, contrôle PPO2 display (pardon! analyseur de PPO2 pour les francophones), on y retourne, petite ballade tranquille cool, l’air respiré est chaud et savoureux, la ventilation est calme, pas de risque d’essoufflement, le déplacement limpide comme l’eau, de beaux paysages au fond du Léman… Bref, c’est à la limite de l’orgasme aquatique que nous faisons demi-tour pour réaliser « the challenge » !
C’est parti, Christophe ouvre le bal, ça fuse et on compte 15 secondes, c’est long 15 secondes, il remet l’embout signe OK RAS.
A mon tour ça fuse et puis ça ne fuse plus… Et oui c’est plein, je remets en bouche et là, ô miracle, au milieu d’un concert de glou glou, blop blop, de l’air et oui je respire dans une cacophonie minérale et ça marche, un petit déplacement, je secoue la tête dans tous les sens, un peu d’eau, il ne faut pas pousser non plus, mais aucun sentiment de stress, certes la plongée prendrait fin mais avec la possibilité de remonter en totale sécurité, la démonstration est on ne peut plus claire .
Nous voilà au local. Dernier nettoyage et inspection des scrubbers, certes c’est humide, mais rien de flagrant, on range, on nettoie le matos, un petit thé glacé et retour au bercail.

Pour conclure, une expérience nouvelle et enrichissante, très bien organisée et encadrée, un accueil au top. Un grand merci à tous ! Je préfère ne pas commencer pas à citer des noms, j’en oublierais.
Bref je n’ai qu’un souhait : recommencer ! Mais ça c’est prévu, et qui sait, diffuser mon expérience.


Un grand merci à Mélanie, ma binôme dans la vie, N3 en eaux chaudes, pour sa correction et mise en page de ce compte-rendu.

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